La planète Cabo Polonio
…nous enfourchons nos sacs et suivons Monica & Miguel. 2 heures de bus jusque Montevideo. Une étape d’une nuit. Nous logeons dans le quartier de Pocitos et laissons nos "guides" retrouver leurs enfants: Mateo & Maïte.
Une petite après-midi dans la capitale uruguayenne. Pas dans le centre à touristes. Nous faisons une ballade le long du rio de la Plata, qui se confond de plus en plus avec l’océan Atlantique. Il fait gris, froid et venteux. La ville ne nous charme pas. On a envie se mettre au calme et au chaud. Un petit centre commercial. Lèche-vitrines, coiffeur et un McDo light.
Par chance, notre auberge est quasi vide et nous jouissons de notre dortoir à dix lits…seuls. Angie dort en bas, lit n°2. Nels, en haut, lit n°10…comme Maradona. Même si, ici, leur Dieu serait plus Carlos Gardel. Légende du tango, que les argentins disent porteño et les uruguayens, montevidéen. Alors qu’en réalité, il serait né à Toulouse.
Passons.
Nous avons rendez-vous avec Monica, Miguel et leurs enfants dans le bus. Pour les 4 heures de route jusque Valizas. Le temps de profiter pleinement du rituel du maté. Du nom de cette infusion issue de la culture des indiens Guaranis. Des herbes, yerba maté, disposées dans une calebasse avec de l'eau chaude, et une bombilla, sorte de paille métallique, pour boire la mixture. Boisson traditionnelle, il est très coutumier de voir des gens la boire dans la rue (ici, en Uruguay, comme en Argentine). De plus, il existe un véritable rituel qui entoure son absorption. On fait, par exemple, tourner la calebasse dans le sens anti-horaire. Il ne faut pas remercier celui qui nous tend le breuvage, qui est toujours celui qui l'a préparé. Et tout un tas d'autres règles traditionnelles.
Ce trajet nous mène le long de la côte sud-est uruguayenne. Nous passons villages, campagnes et zones côtières, avant d’arriver au fameux Cabo Polonio. Une inconnue pour nous. Ce que nous en savons, c’est tout le bien que Miguel nous en a dit. La beauté de la nature, évidemment. Le phare. Les lions de mer. Et puis…
…ses maisons. Mieux, sa communauté. Il s’agit d’un lieu, où depuis des décennies, des maisonnettes ont poussé sur les dunes et la plage. Pas d’électricité. Pas de grandes bâtisses. Pas d'eau courante. Une micro-société constituée de demeures lilliputiennes. De pêche. D’isolement géographique. D’absence de confort matériel. Et surtout, d’une quête, aussi inexorable qu’utopique, de liberté.
Nous sommes encore dans cet étrange camion 4x4 qui traverse péniblement les dunes qui séparent le Cabo du reste du monde. Nous débarquons sur la plage et percevons, immédiatement, ce que Monica & Miguel nous décrivaient. Un magnifique cap, arborant fièrement son phare. De chaque côté, une plage. L’ensemble est pris en étau par la mer et les dunes. Comme coupé du monde. Sur les flancs du cap et une partie des plages, des dizaines de mini-maisons. Eparpillées. Dans un chaos attirant. Un désordre divin.
Comme s’il s’agissait d’une aire de camping, où chaque campeur avait planté sa tente sans se préoccuer de la cohérence globale. Sans se tracasser de la tente du voisin. A cela s’ajoute, l’aspect de ces gourbis. Petites. Minuscules, parfois. Ingénieuses. Colorées. Un village de lutins. Certains diront que pour Nels, vu sa taille, c'est l'endroit rêvé. Effectivement, et pas que pour cette raison, ce lieu est magique.
Sur les conseils de la famille El Galope, nous nous installons chez Laura. Dans son indescriptible maison, la Pousada de los Corvinos, ou encore la casa rosada (la maison rose). Une caverne d'Ali Baba. Où tout est récup' et art. Un bidon en plastique devient un élégant abat-jour. Une batterie de voiture fait fonctionner la radio. Les lumières sont des leds alimentées par une autre batterie. Une ode à la débrouille et à l'ingéniosité. L'ensemble enveloppé de charme, de douceur et de chaleur!
La casa rosada est également la bibliothèque de la "communauté". On y trouve un dortoir où loge Anabella, une convive argentine. Deux autres chambres d'hôtes dont la notre. De la taille du lit, mais, à l'image de la maison, on s'y sent bien. Enfin, la chambre de Laura. Une jeune femme au parcours atypique. Une enfance passée entre la capitale et le cap, pour les vacances. Devenue photographe à Montevideo, elle décide, un beau jour, qu'elle ne peut plus quitter ce lieu. Depuis 7 ans, c'est devenu sa maison. A plein temps (nombreux sont les propriétaires qui les louent et y viennent passer les mois d'été, beaucoup plus animés).
L'ennui peut très vite frapper à notre porte. La nostalgie, le cafard peuvent suivre. Mais, après eux, entrent en scène des sentiments, des sensations plus fortes et plus riches. On apprend à ne plus vouloir maîtriser le temps. A lâcher prise. A profiter du calme. A observer la nature. La comprendre. A savourer le silence. A contempler. A lire mieux. A échanger, partager, écouter plus. Mieux.
On se pose des questions. On se demande pourquoi certaines personnes décident de vivre autrement. Ce n'est pas une tribu du nord du Vietnam ou du fin fond de la forêt amazonienne. Ce sont des gens, comme nous, qui ont choisi autre chose. Entre fuite, recherche de liberté, marginalisation, utopie, vie proche de la nature, vie en communauté.
On peut juger. Critiquer. Se demander si c'est une solution à notre soif d'ailleurs. Une chose est sure. Ils ont choisi un mode de vie différent, et ils l'ont construit. Ce ne sont pas les pseudos-marginaux-bohèmes qui arpentent les rues de Santiago ou le sable de Huacachina. Eux, et sans jugements de valeur, errent. A Cabo Polonio, ils ont bâtit une autre forme de vie. Evidemment, on peut ne pas aimer la notion de "communauté" et tout ce qui va avec. Mais il faut saluer l'entreprise.
Nous passons 3 nuits sur cette "planète". 4 jours de balades le long de la mer. Dans ce dédale de maisons. Jusqu'au phare. Sur les rochers, à la rencontre des lions de mer et des phoques. Des longs moments à scruter la mer, dans l'espoir d'observer les baleines qui traversent la région en direction du sud. Des instants à contempler l'horizon. A perdre la notion du temps. Notre notion du temps.
Nous ne manquons pas de rendre visite à la petit famille El Galope. Logée dans la petite Lucifer. Une vue splendide sur la plage sud. Un petit verre de vin. Au calme. Avec eux, nous observons une espèce très rare de grenouilles, spécifiques à ce lieu. Minuscules et colorées. Noires au ventre rouge. Les grenouilles de Darwin, en hommage au célèbre naturaliste, qui fut le premier à les observer. Ici.
Nous profitons de cette faille dans l'espace-temps pour discuter avec Anabella, Laura, son ami Ruben et leur chienne Maya. Un baroudeur, surfeur qui s'est également installé ici. Un personnage! Le sosie de Diego Forlan. On cuisine, on passe du temps au coin du feu. A écrire, à lire. A écouter de la musique. Notamment le groupe brésilien de Marisa Monte, Tribalistas. Un bijou. Ou encore Gilberto Gil. L'influence musicale brésilienne est forte.
On se prépare des petits plats également. Poulet, pâtes et vin. Cerise sur le gâteau, chaque matin, nous nous délectons avec le meilleur pain de tout notre voyage. Totalement home-made par Laura. Un chef d'oeuvre.
...On en a assez dit. C'est un lieu qui ne s'explique pas. Allez-y. Ressentir par vous même. Nous (Nels plus qu'Angie), nous avons été bouleversifiés...
La "planète" Cabo Polonio, en photos, c'est par ICI.
Nels
tivieux
Youppie ! On retrouve cette plume géniale de Vous deux ! Lire, relire, voir, revoir cet article sur une des raisons de votre TdM...une soif d'ailleurs... Oui, j'ai été happé par le mystère magique de cette page... J'ai savouré le paragraphe : "Le cap suscite la réflexion... jusque écouter plus. Mieux" Preuve d'une recherche profonde de soi. Preuve que la communauté participe, en partage, en écoute, en présence, à l'épanouissement de soi. Haaaa ! Que c'est religieusement philosophique ! Je suis charmé !
8 janvier 2012 à 10:19
mãe
Je suis toujours émerveillée quand je lis vos aventures... c'est magnifique!... mais je suis plus émerveillée encore, de voir l'émotion dans vos yeux et dans votre voix, quand vous racontez votre voyage...
Je vous aime,
mãe
8 janvier 2012 à 11:20
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Realmente me dejas con la boca abierta...
Sos capaz de transmitir con palabras cosas que te pasan en EL Cabo y su espíritu de manera increíble. Mateo y Maite estan pasando unos días en Cabo con mi hermana. Que ganas de estar ahí dejarme ir!!! Nosotros trabajando mucho en El Galope.
Un abrazo grande a los dos.
8 janvier 2012 à 12:03
Wils
Magnifique, cet endroit! Un des lieux que vous avez visité qui m'a paru le plus "touchif" :-)
Wils
16 janvier 2012 à 13:08